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Denis Badault pianiste

parcours

Bado l’Unique !

Bado, avec un ‘O’, pour conjurer l’identité assignée qui nous marque tous : c’est ainsi que Denis Badault aimait orthographier son patronyme dans certaines aventures artistiques. Au-delà du pas de côté hors des rigueurs de l’état civil, c’était la marque d’une espièglerie foncière, de son goût pour l’humour décapant, la fantaisie inspirée. Unique, il l’était, comme chacun de nous, quand nous sommes consignés dans notre identité anthropométrique. Mais Denis était plus que cela : singulier, absolument. Singularité du parcours musical, dans la génération émergente des jazzmen des années 80, avec ses compères Andy Emler et Antoine Hervé, ses condisciples au Conservatoire de Paris (CNSMDP pour les intimes). Singularité du cheminement personnel dans l’institution musicale académique, pour s’en affranchir dès que l’air du large se fait sentir. Pianiste, bien évidemment, mais aussi (mais surtout ?) compositeur, chef de bande musicale, assembleur d’êtres humains musicaux autour d’une même utopie : une musique ouverte, libre, qui chante, émeut, emporte, ose et improvise, avec tout le confort de la science musicale. Parler de Denis, écrire sur lui, c’est un peu pour moi balayer d’un regard rétrospectif ma vie professionnelle, qui bascula à la trentaine dans le jazz après une grosse dizaine de métiers les plus divers…. Quand je chronique dans Jazz Magazine, en 1983, le premier concert de la Bande à Badault, Denis me fait savoir qu’il a été sensible à l’évocation de l’hédonisme qui tend à prévaloir dans sa musique : pour lui c’est sans doute une esthétique autant qu’une éthique. En esprit avisé, il ne confond par l’hédonisme avec l’épicurisme, lequel est une ascèse. Cela dit, l’hédonisme peut aussi être considéré comme une ascèse, mais c’est une autre histoire…. Ce qui s’impose tout au long du parcours musical du pianiste-compositeur-improvisateur, c’est la priorité de l’humain, de l’amitié, de la réceptivité à autrui. Il était assembleur d’individualités, chef de bande, chef de chantier comme il aimait à le dire, s’affublant même d’un casque idoine pour diriger une très grande formation de stagiaires en 2019 au festival Jazzitudes en Pays d’Auge. Car Denis aimait, peut-être par-dessus tout, transmettre, partager. Ce qu’il fit abondamment, notamment quand il s’installa dans le Sud de la France, enseignant à Montpellier, Perpignan, Toulouse…. Un long compagnonnage avec l’Orchestre National de Jazz le conduisit des claviers dans la première mouture (celle de François Jeanneau, en 1986, au côté d’Andy Emler, l’autre préposé aux touches noires et blanches dans l’orchestre), jusqu’à l’épisode Badault de l’ONJ des Jeunes (saison 3, en 2021-2022), avec bien sûr son mémorable passage aux fonctions de directeur musical de 1991 à 1994. Mais son goût ne se limitait pas aux grandes masses, aux effectifs imposants, dans lesquels d’ailleurs il faisait valoir son goût des instrumentations hors-norme, s’évadant autant que possible du schéma académique du big band de jazz. Et s’il écrivit aussi bien pour harmonie-fanfare, orchestre symphonique, chœur d’enfants ou ensemble de percussions à claviers, il cultivait aussi le goût des petites formations : quartette hétérodoxe (avec trompette, violon & contrebasse, mais sans batterie), trio piano/basse/batterie (mais avec des variantes transgressives), duo, et bien sûr solo, où il excellait, affirmant là encore sa singularité en assemblant deux standards (ou plus si affinités) dans un labyrinthe musical particulièrement jouissif. Il accompagnait aussi (et mettait en scène musicalement) la voix d’un chanteur. Bref rien de ce qui était musique ne lui échappait, par une sorte d’alchimie conjuguant lyrisme, audace et goût des émotions fortes. Je l’avais souvent présenté sur scène, et sur l’antenne de France Musique. Nous avions de longtemps tissé une relation amicale, et chaque fois que cela m’était possible, je l’écoutais en concert. Depuis son installation à Sète, je ne manquais jamais, lors de mon escapade annuelle à Montpellier, de passer un moment avec lui autour d’un repas convivial ; et de profiter de son inextinguible humour, une sorte de causticité bienveillante qui savait réjouir l’esprit sans offenser quiconque. Le dimanche 23 juillet 2023, alors que je déjeunais à Gignac avec un ami commun, je lui dis mon projet d’appeler Denis le jour-même pour fixer la date de notre déjeuner rituel. Il m’apprit que notre ami était au plus mal, ce que j’ignorais, car je l’avais croisé à la fin de l’hiver en bonne forme. Le lendemain Denis rendait son dernier souffle, et trois jours plus tard nous étions au crématorium de Sète : beaucoup étaient venu.e.s de loin pour vivre collectivement cet instant d’adieu : À plus tard, disait l’une de ses plus belles compositions, dont il avait donné plusieurs moutures. Pour chacune et chacun d’entre nous, Denis fut, et demeure, un être unique.

Xavier Prévost

Franck Bigotte

concerts

Cette liste est non exhaustive.

connexions

les albums sur d'autres labels
• "Ekwata", en duo avec Simon SPANG-HANSSEN, Label Bleu 1995
• "Bouquet final", Orchestre National de Jazz, live au Dunois, Label Bleu 1994
• "Monk/Mingus/Ellington", Orchestre National de Jazz, Label Bleu 1993
• "À plus tard", Orchestre National de Jazz, Label Bleu 1992
• "En vacances au soleil", la Bande à BADAULT, live au Dunois, Label Bleu 1988
• "ONJ 86", direction François JEANNEAU, Label Bleu 1987