A propos du disque
La gageure, en matière de quatuor de saxophones, passe par des références quasi obligatoires : World Sax Quartet, Rova, voire le carré d’as hexagonal Jeanneau – Mathé – Chautemps - Di Donato. Sauf qu’entre temps, la musique avance, et au premier chef l’urgence de l’improvisation. Fort de ce principe, une nouvelle génération s’est remise au travail autour d’Alban Darche. Le résultat discographique, le troisième sous ce nom, témoigne d’un compagnonnage de souffles arrangés, étalonnés, méticuleusement formatés. Aucune révolution, point de spectaculaires éclatements des formes non plus : le contenu révèle un univers ludique, peuplé d’unissons, d’harmonisations, à partir de séquences mélodiques finement retaillées. La famille des saxes (et clarinettes) est réunie presque au complet – à l’exception notable du soprano. Si dans ces jeux d’écriture il devait se dégager une eau forte, elle se situerait sans doute dans un effet permanent de circularité plutôt que de lignes brisées. Les figures musicales du carré de sax se plaisent à arrondir les angles, donnant aux paysages un moelleux profond. Sax-rondeur, Sax-confort (d’écoute) : le politiquement correct du quatuor rejette ici le brut, la rupture. Comment expliquer, dès lors, qu’une musique relativement savante, ancrée dans des polyphonies complexes, sonne immédiatement de façon très explicite ? Les bons choix, tout simplement – musiciens, compositions, arrangements ont été effectués.
Robert Latxague